♣_______Page mise à jour le 12 mars 2018 vers 00h00 TUC |
Les deux textes traduits dans cette page ont en commun la personne de Sidney Rigdon, mais ils sont de nature et de statut énonciatif différents :
On trouvera ci-dessous une traduction (annotée) du discours prononcé par Sidney Rigdon à Far West (comté de Caldwell, dans le Missouri) le 4 juillet 1838, pour de la Fête nationale états-unienne. NB- On peut lire l'original de ce discours dans la bibliothèque de Wikipédia [⇒]. ___Le texte est ici
NB- La situation d'énonciation du texte ne soulève donc pas de question. On pourra toutefois se demander, au fil du texte, à qui s'adresse l'orateur : aux saints (les Mormons) ou aux Gentils (les non-Mormons) ? De ce point de vue, le discours apparaît passablement composite.
Quelques faits antérieurs au discours
|
Amis et concitoyens,
À votre demande, je suis appelé à prendre la parole en ce jour, dans des circonstances nouvelles pour moi, et, je suppose, également pour la plupart d'entre vous ; car s'il est vrai que nous avons souvent rencontré nos concitoyens dans le passé là où nous sommes nés, ou bien là où nous avions choisi de vivre, pour mêler nos sentiments aux leurs et nous unir à eux pour témoigner notre reconnaissance envers notre divin Bienfaiteur, lors de l'anniversaire de notre naissance en tant que nation, jamais pourtant, auparavant, nous n'avons été rassemblés par le fait de notre sainte religion – seule raison pour laquelle une très grande majorité d'entre nous est ici en ce jour. Mais bien que notre résidence ici soit loin des tombeaux de nos pères et de nos terres natales aussi bien que de celles que nous avions choisies antérieurement, et bien que notre rencontre ici soit aussi nouvelle, et aussi étrange à nos yeux que cela pourrait l'être à une partie de nos semblables, cependant, nous saluons le retour de l'anniversaire de la naissance de nos libertés, avec des sentiments de joie et de gratitude, tandis que des souhaits pour la prospérité et la continuité du canevas de notre gouvernement national emplissent nos poitrines en ce jour – au moins autant que lorsque nous nous rencontrions dans des assemblées mêlant toutes les religions, comme dans le passé, dans nos contrées natales.
D'ailleurs, il ne pourrait pas en être autrement. Dès notre enfance, nous avons été instruits à regarder notre forme de gouvernement comme la meilleure au monde. Nos pères, nos voisins et ceux dont nous partagions la vie ont porté son excellence au plus haut pinacle de la gloire à nos oreilles, avant même que nous ne soyons capables d'en juger les mérites par nous-mêmes, ou que nous puissions en estimer la valeur. À mesure que nous avancions dans la vie, nous n'avons rien entendu d'autre de nos hommes d'État et de nos héros, si ce n'est la perfection et l'excellence de nos institutions politiques, et la supériorité de notre gouvernement sur tous les gouvernements du monde, aussi bien anciens que récents. C'est le gouvernement sous lequel nous sommes nés et avons été élevés, ou bien nous en aurions substitué un autre à celui dont la forme ne nous aurait pas satisfaits, et dans nos cœurs lui aurions donné la préférence, et aurions cherché par ce changement à profiter de ses avantages.
Nous avons appris dès le berceau à vénérer les pères de la Révolution, et vénérer les urnes mêmes qui contiennent les cendres de ceux qui reposent ; et tous les sentiments de nos cœurs répondent à l'unisson à ce précepte. Notre pays et ses institutions sont écrits sur les tablettes de nos cœurs, comme avec le sang des héros qui ont offert leur vie en sacrifice pour nous sauver de l'oppression. Sur ses tours flotte le drapeau de la liberté, et il invite les opprimés à entrer et trouver un asile. Sous la garde de sa Constitution, l'emprise du tyran est brisée, et l'égalité des droits et des privilèges baigne chaque partie du grand ensemble. Protégés par ses lois et défendus par ses pouvoirs, le saint (1) opprimé et persécuté peut célébrer son culte sous sa propre vigne et sous son propre figuier, et nul ne peut le brutaliser ou lui faire peur. Nous l'avons toujours considéré, et le considérons encore, comme le seul vrai canevas de la liberté, et le rempart de l'indépendance dans le monde.
Son existence réelle a donné au monde civilisé les leçons de la liberté, dépassant de loin celles d'un Pitt, d'un Wilberforce, d'un Canning ou d'un Grey (2), et a rejeté dans l'ombre tous leurs efforts à tout jamais. Il a tenu bon et tient encore bon, comme l'arbitre du monde, le juge des nations et le bourreau des tyrans.
Partout à travers le monde, il est la norme de la liberté, à la fois civile et religieuse. Par son existence, les craintes des superstitieux ont été chassées, les prétextes des tyrans, balayés comme refuges du mensonge, les droits de l'homme ont été restaurés et la liberté, à la fois politique et religieuse, a pu triompher.
Notre gouvernement est connu dans tout le monde civilisé comme la norme de la liberté civile, religieuse et politique ; par lui, les actes de toutes les nations sont jugés, et il permet de mettre au jour les fraudes, les tromperies et les ruses de l'ancien monde, en essayant de permettre aux peuples de remplacer la monarchie et l'aristocratie par la République et la liberté. Si puissante a été son influence que la main de l'oppresseur, même dans l'ancien monde, s'est faite moins lourde, les tyrans se sont mis à trembler, et les oppresseurs de l'humanité ont été remplis par la crainte. Les trônes, quand ils n'ont pas été abattus, ont été débarrassés de la terreur qu'ils suscitaient, et les sujets qu'ils opprimaient, manifestement délivrés de leurs chaînes.
Ayant grandi dans le berceau de la liberté, et ayant été élevés à l'école de la liberté, toutes nos opinions et nos idées s'enracinent profondément dans l'excellence sans égale d'un gouvernement qui est à la source de toutes nos prérogatives et toutes nos satisfactions. Nous lui sommes attachés par les liens les plus solides ; nous lui sommes arrimés par des cordages forts comme la mort. Le préserver doit être l'objectif de toutes nos actions, pour que sa Constitution demeure inviolable, ses institutions intactes, ses lois indemnes, et son ordre inchangé.
Il est une chose, au milieu de nos divergences politiques, qui devrait faire naître des sentiments de joie et de reconnaissance dans tous les cœurs et au sein de tous les défenseurs de l'humanité : que tous les partis politiques expriment le vif désir de préserver à la fois l'Union et la Constitution intactes et sans faille, et qu'ils ne diffèrent que sur les moyens d'atteindre ce but aussi souhaitable que l'ont indiqué tous les partis. Et en effet, tant que tel sera le but des partis dans cette république, il n'y a rien à craindre. Les perspectives d'avenir seront aussi riantes que par le passé. Quand il s'agit de célébrer cela, l'anniversaire de notre indépendance, toutes les distinctions de partis doivent être oubliées, toutes les différences religieuses doivent être mises de côté. Nous sommes membres d'une république qui nous est commune, tous dépendant pareillement de l'exécution fidèle de ses lois pour être protégés, dans l'exercice de nos prérogatives civiles, politiques et religieuses. Tous ont un intérêt commun dans la préservation de l'Union, et dans la défense et le soutien de la Constitution. Les intérêts particuliers du nord, du sud et l'ouest doivent être oubliés, ou abandonnés pour le moment, dans le désir le plus noble de préserver la nation comme un tout ; de cela dépend la sécurité de tous les intérêts locaux et catégoriels ; car si nous ne pouvons pas les préserver en défendant l'Union, nous ne le pourrons pas plus en la déchirant en morceaux. Dans le premier cas, il y a l'espoir, dans l'autre, la peur. Dans l'un, la paix, dans l'autre, la guerre.
En temps de paix, ce doit être notre objectif et notre but de renforcer les liens de l'Union en cultivant la paix et la bonne volonté entre nous. Et en temps de guerre, de répondre à nos ennemis l'épée à la main, et de défendre nos droits, au péril de notre vie. Car que vaut la vie quand la liberté s'est enfuie ? C'est un nom, une bulle ; mieux vaut dormir avec les morts que d'être opprimé chez les vivants.
Toute tentative, de la part des candidats religieux, d'unir Église et État doit être repoussée avec indignation, et chaque société religieuse, maintenue dans ses droits et dans l'exercice de ses pratiques cultuelles, y compris les Musulmans, les Païens et les Idolâtres, avec un partage égal des bienfaits du gouvernement. Car si l'Union peut être préservée, ce sera en lui attachant le cœur des gens ; et cela ne peut être obtenu que par la consolidation de l'ensemble de leurs droits les plus sacrés. Le moindre écart à la règle stricte du droit, de la part d'une partie de la population ou de ses mandataires, créera de l'insatisfaction, cette insatisfaction débouchera sur des luttes, les luttes, sur la guerre, et la guerre, sur la dissolution de l'Union .
C'est de la vertu du peuple que dépend l'existence du gouvernement, et non de la sagesse des législateurs. À quoi servent les lois (peu importe qu'elles soient justes ou non) quand les gens, en les enfreignant, déchirent les uns chez les autres les droits qu'elles devaient protéger ? Si nous pouvons préserver la nation de la ruine, et les gens de la guerre, ce sera en assurant aux autres ce que nous réclamons pour nous-mêmes, et en montrant le même zèle à défendre les droits d'autrui qu'à assurer les nôtres. Si, en ce jour, les pères de notre nation ont engagé leur fortune, leur vie et leur honneur sacré, les uns envers les autres et envers les colonies qu'ils représentaient, pour être libres, ou sinon perdre tout héritage terrestre, sans excepter la vie et l'honneur, alors nous devons suivre leur exemple, et engager nos fortunes, nos vies et notre honneur sacré, en tant que leurs enfants et successeurs, en maintenant inviolable ce qu'ils ont obtenu par leur trésor et leur sang.
Avec des sentiments vénérables, des désirs sacrés et un cœur reconnaissant envers notre divin Bienfaiteur, nous devons remplir les devoirs de ce jour, et jouir des prérogatives, dont, comme des saints du Dieu vivant, nous jouissons dans ce pays de liberté et d'indépendance, où nos droits les plus sacrés, même celui d'adorer notre Dieu selon Sa volonté, nous sont garantis par la loi, et où nos droits religieux s'identifient tant avec l'existence de la nation que nous en priver serait condamner la nation à la ruine, et l'Union à la destruction.
Il y a maintenant douze lustres et deux années que le Dieu de nos pères Abraham, Isaac et Jacob, a décidé de faire proclamer parmi les peuples des continents que les gens de cette nation devaient être libres, et que sur eux, « les rois ne devaient pas gouverner, et les princes décider de ce qui est juste (3) », et tout cela, en préparation de la grande œuvre qu'il avait prévu d'accomplir dans les derniers jours, à la face de tous les peuples, afin que le Fils de Dieu, le Sauveur du monde, descende du ciel et règne sur la montagne de Sion et à Jérusalem, resplendissant de gloire en présence de ses anciens (4), selon le témoignage de tous les saints prophètes, depuis le commencement du monde. Et il y a huit ans, deux mois et vingt-huit jours que cette Église des derniers jours a été organisée, par les révélations de ce même Jésus, qui se prépare à venir régner, resplendissant de gloire en présence de ses anciens : elle ne comptait alors que six membres (5).
Quand elle est apparue, l'agitation a commencé à régner parmi les gens, là où elle était apparue ; et comme elle augmentait en nombre, l'agitation augmentait. La première attaque lancée contre elle par ses ennemis reposait sur des interprétations mensongères et de folles calomnies. Par cette machination, elle a été assaillie de toutes parts, et par toutes les catégories d'hommes, religieux et non religieux : déformation sur déformation, mensonge après mensonge, se succédant rapidement, jusqu'à ce que il doive y en avoir eu une multitude créés à chaque minute par ceux qui s'y employaient ; sinon, ils n'auraient pas pu en avoir mis autant en circulation. Ce procédé ne réussissant pas, les ennemis ont eu recours à des poursuites, qui ont été multipliées sans cesse, avec une détermination patente, pour détruire tous ceux qui s'assemblaient pour aider et favoriser l'avancée de l'œuvre du Seigneur. Mais comme tout cela ne réussissait pas selon les attentes des persécuteurs, ils réunirent à toute cette force celle des foules, conduisant hommes, femmes et enfants hors de chez eux, les tirant du lit dans les heures creuses de la nuit, par le fouet, le goudron et les plumes (6), et les traitant d'autres façons honteuses.
Et ces moyens n'ont pas été les seuls employés dans ce travail de persécution. Au contraire, étant déterminés à anéantir l'Église à tout jamais, ils y ont ajouté tout le reste des moyens utilisés : voler les biens des saints, brûler aussi des maisons en faisant retomber l'accusation sur eux, afin de soulever l'indignation publique contre eux. Et également des faux serments, et en effet nous pouvons ajouter tous les autres moyens que l'adversaire pouvait utiliser, rien ne semble avoir été laissé de côté qui pouvait être fait par les hommes et les démons, afin de faire échouer les desseins de Dieu. Mais le résultat tant souhaité par beaucoup n'avait pas encore été obtenu. Sous tout ce feu de la persécution, la cause a continué à avancer régulièrement ; l'augmentation a été progressive, mais constante, et l'Église, à cette époque, comptait plusieurs milliers de membres : certains dans le vieux monde se sont faits serviteurs de la foi (7), des multitudes dans les deux Canadas (8), ainsi que dans la plupart des régions des États-Unis.
Au cours de ces actes de persécution, un certain nombre de saints ont perdu la vie (9), et d'autres ont disparu, et on ne sait pas ce qu'ils sont devenus ; mais il est probable qu'ils ont été assassinés en secret.
Aucun pays que nous connaissions n'a offert une occasion plus belle que celui-ci d'observer la grande hostilité qui existe naturellement dans le cœur de l'homme contre Dieu et contre son œuvre. Dans d'autres pays, les persécutions ont été exercées sous le prétexte du droit ; mais dans ce pays-ci, où la Constitution des États-Unis et la Constitution de chaque État de l'Union garantit à chacun la liberté de conscience et la liberté de culte, le témoignage de ces scènes de persécution comme celles qui ont accompagné cette Église depuis le début, en dépit de la loi, de la justice, de l'équité et la vérité, et rebelles au génie même de nos institutions républicaines, contraires à l'esprit et la conception de notre gouvernement, ce témoignage est sûrement la meilleure preuve de la dépravation du cœur humain et de la grande hostilité qui existe dans le cœur de la famille humaine contre le travail et les objectifs de Dieu. Et, de plus, cela confirme pleinement ce que disait l'Apôtre : « l'affection de la chair est inimitié contre Dieu (10). »
Mais malgré toute cette violence, nous pouvons dire comme Paul aux Corinthiens : « Nous sommes pressés de toute manière, mais non réduits à l'extrémité ; dans la détresse, mais non dans le désespoir ; persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non perdus (11). Nous avons jusqu'à présent enduré ce grand combat de l'affliction, et gardé la foi. Si les saints anciens ont dû résister, comme s'ils voyaient celui qui est invisible, c'est notre tour. S'ils avaient à souffrir la contradiction des pécheurs contre eux, c'est notre tour. S'ils devaient éprouver des craintes en eux-mêmes, et se passer de lumière, c'est notre tour. S'ils avaient à souffrir coups et emprisonnements pour l'amour de leur religion, c'est notre tour. S'ils étaient souvent en voyage, en péril sur les fleuves, en péril de la part des brigands, en péril de la part de ceux de leur nation, en péril de la part des païens, en péril dans les villes, en péril dans les déserts, en péril sur la mer, en péril parmi les faux frères. […] Dans le travail et dans la peine, exposés à de nombreuses veilles, à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés, au froid et à la nudité (12), c'est notre tour. S'ils devaient se recommander à Dieu, avec beaucoup de patience, dans les tribulations, dans les calamités, dans les détresses, sous les coups, dans les prisons, dans les troubles, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes ; par la pureté, par la connaissance, par la longanimité, par la bonté, par l'Esprit Saint, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice ; au milieu de la gloire et de l'ignominie, au milieu de la mauvaise et de la bonne réputation ; étant regardés comme imposteurs, quoique véridiques; comme inconnus, quoique bien connus; comme mourants, et voici,ils vivaient ; comme châtiés, quoique non mis à mort ; comme attristés, et pourtant toujours joyeux ; comme pauvres, et n'en apportant pas moins des richesses à beaucoup ; comme n'ayant rien, et pourtant détenteurs de toutes choses (13), c'est notre tour. S'ils ont traversé bien des tribulations, lavé leurs robes et […] les ont blanchies dans le sang de l'Agneau (14) – c'est notre tour de traverser d'aussi grandes tribulations ; et nous avons confiance que, ce faisant, nous laverons également nos robes et les blanchirons dans le sang de l'Agneau.
Une des causes de nos persécutions cruelles est l'influence que peuvent avoir dans le monde ceux que nous avons privés de la communion de l'Église (15) en raison de leur vilenie et qui ont tenté de se venger de nous, et aussi pour cacher leur honte par des diffamations ignobles et de basses calomnies. Tantôt ils nous présentaient comme ayant tout en commun avec eux ; tantôt, comme étant des ennemis de l'État ; et ailleurs, nous étions présentés comme des abolitionnistes (16), et même n'importe quoi qu'ils jugeaient le plus propre à exciter l'esprit public contre nous, et à susciter l'indignation populaire ; et, si possible, à mettre un terme à notre travail, en sacrifiant certains de ceux qui étaient considérés comme les plus actifs dans le soutien et la défense de la cause. Mais grâce à la miséricorde de Dieu, nous sommes encore là, et nous avons la possibilité de nous joindre à vous dans les moments privilégiés de cette journée.
En nous rassemblant en cette occasion, notre but n'est pas seulement de nous conformer à la coutume de notre nation de célébrer le jour de la naissance de nos libertés, mais aussi de poser les pierres angulaires de l'édifice, sur le point d'être construit à cet endroit (17), en l'honneur de notre Dieu, à qui nous attribuons la gloire de notre liberté nationale tout comme notre salut éternel, et dont nous estimons le culte plus important que tous les trésors du Missouri, prêts à tout moment à lui offrir le sacrifice de nos premiers fruits, et par une persévérance infatigable, une patiente industrie et un fidèle dévouement à la cause de notre Dieu, ériger ce bâtiment à son nom, conçu pour être à la fois un lieu de culte et un établissement d'enseignement. Le rez-de-chaussée sera consacré au culte sacré, et les deux étages, à l'éducation. Le bâtiment aura quarante mètres sur vingt-cinq, avec trois niveaux, et pas loin de dix mètres entre les étages ; tout doit être réalisé dans le meilleur style de ce genre de bâtiments dans notre pays. La dépense totale prévue avoisine les cent mille dollars : le tout devant se présenter, lorsque ce sera fini, comme un monument témoin de la force de l'union dans l'effort et du concert dans l'action.
Juste après l'adoration de notre Dieu, nous plaçons l'éducation de nos enfants et de la génération montante. Car qu'est-ce que la richesse sans la société, ou la société sans l'intelligence ? Et comment peut-on acquérir l'intelligence ? Par l'éducation. C'est cela qui forme les jeunes esprits ; c'est cela seul qui rend la société agréable, et ajoute de l'intérêt et de l'importance à l'adoration de Dieu. Qu'est-ce que la religion sans intelligence ? Un son vide. L'intelligence est la racine dont découlent tous les vrais plaisirs. L'intelligence est la religion, et la religion est l'intelligence, avant toute autre chose. Ôtez-en l'intelligence, qu'est-ce qui reste ? Un mot – un son dépourvu de sens. Si quelqu'un désire être vraiment pieux aux yeux de Dieu, il doit être pure intelligence. La piété sans l'intelligence, c'est du fanatisme, et la dévotion sans la compréhension, c'est de la fougue.
Le but de notre religion est de nous rendre plus intelligents que nous ne pourrions l'être sans elle, pour nous faire connaître moins ce que nous ne voyons que ce que nous ne voyons pas. Elle est là pour faire évoluer nos facultés, pour éclairer notre compréhension, et par ce moyen, purifier notre cœur. Elle est là pour rendre les hommes meilleurs en les rendant plus sages, plus utiles en les rendant plus intelligents, et pas intelligents seulement sur certains sujets, mais sur tous les sujets auxquels l'intelligence peut s'appliquer ; et là où la science échoue, la révélation prend le relais, et livre les secrets et les mystères du monde invisible, conduit l'esprit à la connaissance de l'avenir des hommes, la familiarise avec les anges, les principautés et les puissances dans le monde éternel ; elle la porte dans le ciel et dans les contrées célestes, lui offre la connaissance de Dieu, son Rédempteur, et de ses associés dans les demeures éternelles ; de sorte que lorsque la science échoue, et que la philosophie s'évanouit, la révélation, plus vaste dans ses opérations, commence là où elles s'arrêtent, et régale l'esprit de l'intelligence, pure et sainte, de la présence de Dieu. – Elle parle de résidences éternelles, de gloires immortelles, de possessions perpétuelles, de foules angéliques, d'armées célestes, de séraphins flamboyants, de couronnes de gloire, de palme de la victoire, du triomphe éternel des saints grâce à une résurrection glorieuse, de chants de joie éternelle, de Dieu, père de tous, de Jésus, médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l'aspersion, qui parle, qui parle mieux que celui d'Abel le juste (18).
Non seulement elle nous familiarise avec ces choses éternelles, mais elle nous fait connaître l'histoire future de l'homme dans ce temps et les desseins de Dieu qui doivent se réaliser avant que n'arrive la fin de toutes choses. Elle avertit et prévient des guerres, des pestes, des famines, des tremblements de terre et des désolations qui frappent la terre. L'ascension et la chute des nations, et aussi la désolation de la terre elle-même : la chute des montagnes, la montée des vallées, la fusion des roches, la purification des éléments par le feu ; elle avertit du soleil qui se voile la face, de la lune qui s'ensanglante, des étoiles du ciel qui tombent, des cieux qui s'échappent comme un rouleau ; et de la descente du Christ du ciel dans un nuage, avec le cri de l'archange, et la trompette de Dieu. Et des méchants, effrayés et tremblants, de leurs visages se couvrant de noirceur (19), et de leur recherche d'un refuge dans les montagnes, demandant aux rochers de les cacher pour échapper à la face de celui qui est assis sur le trône, et à la colère de l'Agneau : « Car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ? (20) »
Toute cette abondance d'informations importantes, en même temps que la fin de tous les trônes et dominations, des principautés, des puissances, et des gouvernements, que seule la révélation peut faire connaître, (car la science, avec tous ses pouvoirs, n'a jamais pu l'affirmer, pas plus que la philosophie, même dans sa plus grande étendue, n'a pu l'atteindre), nous les obtenons par notre sainte religion, car c'est son territoire ; c'est le théâtre où elle agit, c'est le travail que nous attendons d'elle, qu'elle nous dise des choses que rien ne pourrait dire ; qu'elle nous remplisse de ce genre de sagesse qui descend d'en haut, et qui n'est obtenue que par la révélation, et par les pouvoirs que confère notre sainte religion, et par rien d'autre. Regardant ce que nous avons déjà obtenu, et ce qui reste à obtenir, nous nous sommes donc rassemblés dans cette terre éloignée, pour nous préparer à ce qui s'en vient sur la terre, et nous avons aujourd'hui posé les pierres angulaires de ce temple de Dieu, et formons le dessein de le compléter, dans les plus brefs délais possibles, et d'ériger au nom de notre Dieu dans cette ville, « Far West », une maison, qui sera une maison de prière, une maison d'étude, une maison d'ordre, et une maison de Dieu; où seront enseignées toutes les sciences, les langues, etc., qui sont enseignées dans notre pays dans les écoles de premier plan. Et le but est de la rendre accessible à toutes les classes, les pauvres aussi bien que les riches, pour que toutes les personnes de notre entourage puissent avoir une occasion d'éduquer leurs enfants, à la fois garçons et filles, autant qu'il leur plaira. De telle sorte que tous les talents dans notre entourage puissent être immédiatement mis en avant, afin que nous puissions nous servir de tous les moyens que Dieu met entre nos mains, et les mettre à la disposition de tous, pour les délivrer des tromperies et des fraudes auxquelles se livrent sur la partie la plus illettrée de la communauté ceux qui ont bénéficié de meilleurs avantages, pour autant, du moins, que les études puissent permettre d'atteindre ce but.
Une partie de la maison sera mise à part pour être un lieu de culte, où nous invoquerons notre Dieu pour des révélations, quand nous serons allés aussi loin que l'étude humaine peut nous mener, pour que, par des révélations, des visions, etc. nous puissions combler le vide restant, quand la science et la philosophie ont fait tout ce qu'elles peuvent faire. Afin que nous puissions avoir cette compréhension et cette sagesse qui apportent le salut, et cette connaissance qui mène à la vie éternelle.
En sorte que, s'il y a des guerres, des famines, des épidémies, des tremblements de terre, un péril pour les nations, ou tout ce qui peut survenir selon les desseins de notre Dieu, nous puissions le savoir à l'avance, et nous y préparer, de sorte qu'aucun des ces calamités ne nous surprenne comme un voleur en pleine nuit, et qu'une destruction soudaine ne s'abatte pas sur nous pendant que nous annonçons la paix et la sécurité.
Le Sauveur du monde lui-même, alors qu'il était ici avec ses disciples, a dit que « Comme il en était aux jours de Noé, ainsi doit-il en être quand viendra le Fils de l'homme. Ils mangeaient, ils buvaient, ils se mariaient et donnaient en mariage, et ne savaient pas, jusqu'à ce que le déluge vînt et les balayât tous au loin – Il en sera ainsi quand viendra le Fils de l'homme (21) ». Et Paul a déclaré aux saints de son époque « que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit.Que, lorsque les gens réclament Paix et sûreté ! alors une ruine soudaine les surprendra (22). Et queles hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes. (23) » Ils diront, selon Pierre : « Où est la promesse de son avènement ? Car, depuis que les pères sont morts, tout demeure comme dès le commencement de la création (24).»
Tel sera l'état du monde, au moment le plus important dans l'existence de la résidence terrestre de l'homme (25). La description qu'en donne Isaïe est effrayante à l'extrême : « Voici,l'Éternel dévaste le pays et le rend désert, Il en bouleverse la face et en disperse les habitants. Et il en est du sacrificateur comme du peuple, du maître comme du serviteur, de la maîtresse comme de la servante, du vendeur comme de l'acheteur, du prêteur comme de l'emprunteur, du créancier comme du débiteur. Le pays est dévasté, livré au pillage; Car l'Éternel l'a décrété. Le pays est triste, épuisé ; les habitants sont abattus, languissants ; les chefs du peuple sont sans force. Le pays était profané par ses habitants, car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, Ils rompaient l'alliance éternelle. C'est pourquoi la malédiction dévore le pays, et ses habitants portent la peine de leurs crimes. C'est pourquoi les habitants du pays sont consumés, et il n'en reste qu'un petit nombre (26).»
Le prophète Malichi (27), décrivant la même scène et la même période de calamité, dit : « Car voici, le jour vient, ardent comme une fournaise. Tous les hautains et tous les méchants seront comme du chaume, le jour qui vient les embrasera, dit l'Éternel des armées. Il ne leur laissera ni racine ni rameau (28). »
Le psalmiste David, dans la gloire de sa force prophétique, nous a laissé un avertissement lui aussi, quand il dit : « Le Dieu Fort, Dieu, l’Éternel, a parlé et a appelé la terre, du soleil levant jusqu’au soleil couchant. De Sion, perfection de la beauté, Dieu a fait luire sa splendeur. Notre Dieu viendra, et il ne se taira point ; un feu dévorera devant lui, et autour de lui tourbillonnera la tempête. Il appellera les cieux d’en haut, et la terre, pour juger son peuple : Assemblez-moi mes saints, qui ont fait alliance avec moi par un sacrifice. Et les cieux déclareront sa justice, car Dieu lui-même est juge. (29) »
Ayant donc connaissance de ces choses, et la voix de Dieu nous ayant atteints, ensemble, ensemble, et faisons une alliance avec notre Dieu par le sacrifice. Nous avons prêté attention jusque-là, et nous sommes (30) ici aujourd'hui pour témoigner que Dieu n'a pas parlé en vain, que sa parole n'est pas vaine. Mais le jour et l'heure de ses jugements ne dorment pas, elles ne sommeillent pas ; et, que les hommes croient ou ne croient pas, cela change pas la parole que Dieu a faite pour qu'elle soit dite, mais cela doit venir, et cela viendra, et cela pour l'étonnement, la confusion et le désarroi des milliers d'humains qui ne croient pas et n'y prendront pas garde, jusqu'à ce qu'ils soient rattrapés par elle comme un voleur dans la nuit, et qu'une destruction (31) soudaine s'abatte sur eux, et qu'il n'y ait personne pour les délivrer.
Connaissant donc les terribles menaces du Seigneur, nous mettons en garde nos semblables, non seulement par la parole, mais aussi par exemple, en quittant nos anciennes demeures, auxquelles nous étions attachés par les liens les plus solides, faisant le sacrifice de la majeure partie de nos biens terrestres. Beaucoup d'entre nous, dans le passé, étaient riches, mais pour l'amour de Jésus, et sur l'ordre de notre Dieu, nous sommes devenus pauvres, parce qu'Il est devenu pauvre par amour pour nous ; donc de la même manière, nous suivons son exemple, et devenons pauvres par amour pour lui.
Et de même que Moïse a quitté l'Égypte sans craindre la colère du roi, et refusé d'être appelé fils de la fille de Pharaon (32), préférant les souffrances au milieu du peuple de Dieu aux plaisirs fugitifs du péché, parce qu'il faisait grand cas de la gratification de la récompense, de même en va-t-il pour nous : nous choisissons les souffrances au milieu du peuple de Dieu, plutôt que les fugitives flatteries du monde.
Ce n'est pas que nous ne puissions pas, si telle était notre disposition, profiter à la fois des honneurs et des flatteries du monde, mais nous les avons volontairement offerts en sacrifice, et les richesses du monde également, pour quelque chose de plus durable. Notre Dieu nous a promis la récompense d'un héritage éternel, et nous avons cru à sa promesse, et bien que nous trébuchions en traversant la grande tribulation, nous ne sommes aucunement découragés, car nous savons que celui qui a promis est fidèle. La promesse est sûre, et la récompense est certaine. C'est pour cette raison que nous avons accepté de nous dépouiller de notre bien. Nos joues ont été tendues à ceux qui nous frappaient, et nos têtes à ceux qui nous arrachaient la barbe (33). Nous n'avons pas seulement, lorsque nous avons été frappés sur une joue, tendu l'autre, mais nous l'avons fait encore et encore, jusqu'à ce que nous soyons épuisés d'être frappés, et fatigués d'être piétinés. Nous avons abordé le monde avec bonté, nous avons supporté leurs attaques injustifiées, avec patience, et les avons endurées sans ressentiment, jusqu'à ce jour, et pourtant leurs persécutions et leurs violences ne cessent pas. Mais à partir de ce jour et de cette heure, nous ne voulons plus les souffrir.
En prenant en ce jour à témoins Dieu et tous les saints anges, nous avertissons tous les hommes au nom de Jésus-Christ de ne plus jamais s'approcher de nous, car à partir de cette heure, nous ne le supporterons plus, nos droits ne seront plus piétinés en toute impunité. L'homme ou le groupe d'hommes qui tentera cela le fera au péril de sa vie. Et cette foule qui se précipite sur nous pour nous importuner, ce sera entre eux et nous une guerre d'extermination, car nous les poursuivrons, jusqu'à ce que la dernière goutte de leur sang soit versée (34), ou bien alors il leur faudra nous exterminer ; car nous porterons le théâtre de la guerre dans leurs propres maisons et leurs propres familles, et l'un des deux camp finira totalement détruit. – Souvenez-vous-en, tous les hommes.
Nous ne serons jamais les agresseurs, nous n'empiéterons sur les droits de personne, mais nous défendrons les nôtres jusqu'à la mort. Nous revendiquons nos droits, et nous sommes désireux que tous les autres jouissent des leurs.
Aucun homme ne pourra prendre la liberté de venir dans nos rues, de nous menacer par des émeutes, car s'il le fait, il devra en payer le prix avant de quitter les lieux ; il ne pourra pas plus prendre la liberté de diffamer et calomnier quiconque parmi nous, car nous ne le souffrirons pas en ce lieu.
Par conséquent, nous invitons tout le monde à prendre note aujourd'hui que nous proclamons notre liberté en ce jour-ci, comme l'ont fait nos pères. Et nous engageons en ce jour, les uns envers les autres, nos fortunes, nos vies et notre honneur sacré, pour être délivrés des persécutions que nous avons eu à subir durant les neuf dernières années, à peu de choses près. Et nous ne ferons preuve d'aucune indulgence envers un homme ou un groupe d'hommes engageant des procès vexatoires contre nous, pour nous priver de nos justes droits. S'ils le tentent, nous disons malheur à eux (35).
C'est ainsi qu'en ce jour, nous nous proclamons libres, avec un dessein et une détermination qui ne pourront jamais être brisés, « non, jamais ! non, jamais ! NON , JAMAIS !!! »
| ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Notes ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ | |
(1) C'est le terme par lequel les Mormons se désignent eux-mêmes. (2) Tous les quatre sont des hommes politiques britanniques de la fin du XVIIIème ou du début du XIXème siècle. On pourra noter que tous les quatre sont connus pour avoir contribué à l'abolition de l'esclavage dans les colonies de la Couronne. (3) Les expressions semblent tirées des Proverbes, chapitre 8, versets 15 et 16, mais en réinterprétant le texte (qui, dans la Bible, ne comporte pas de négation). (4) Citation d'Isaïe, chapitre 24, verset 23. Rappelons que les expressions en rouge brique reproduisent la traduction de Louis Segond. (5) Le 6 avril 1830, Joseph Smith fils, Oliver Cowdery, Hyrum Smith, Peter Whitmer fils, Samuel H. Smith, et David Whitmer avaient fondé l'Église de Jésus-Christ, dans la ferme de Peter Whitmer père, à Fayette (dans l'État de New-York). (6) Le 24 mars 1832 au soir, alors qu'ils étaient à Hiram (près de Kirtland, dans l'Ohio), Joseph Smith et Sidney Rigdon avaient été entraînées hors de chez eux par un groupe d'hommes qui les avaient enduits de goudron et de plumes (châtiment réservé jusque-là à des fonctionnaires ou des douaniers anglais, avant l'indépendance). (7) La première mission en Angleterre était partie en juillet 1837, menée par Heber C. Kimball et Orson Hyde. (8) Dès 1830, Joseph Smith père et Don Carlos (frère cadet de Joseph et Hyrum) avaient converti une dizaine de Canadiens. D'ailleurs, le nord de l'État de Ney-York (où se trouvent Palmyra et Fayette) comme celui de l'Ohio (avec Kirtland) sont frontaliers du Canada. Mais s'il était aisé d'aller des États-Unis au Canada, l'inverse était tout aussi vrai, et nombre de Mormons canadiens sont venus s'installer à Kirtland puis Nauvoo (dans l'optique du gathering ), ne laissant au pays qu'une communauté assez restreinte. (9) Les seuls martyrs révérés comme tels sont Joseph et Hyrum Smith. Mais on peut mentionner que le fils adoptif de Joseph et Emma Smith, John Murdock, est mort peu après l'attaque du 24 octobre 1832 contre son père et Rigdon, au cours de laquelle il avait été traité sans ménagement. (10) Citation de l'épître aux Romains, chapitre 8, verset 7. (11) Citation de la seconde épître aux Corinthiens, chapitre 4, versets 8 et 9. (12) Citation de la même seconde épître aux Corinthiens, chapitre 11, versets 26 et 27. Traduction de Louis Segond, avec deux modifications grammaticales. (13) Citation de la même seconde épître aux Corinthiens, chapitre 6, versets 4 à 10. La fin traduit littéralement le texte de la KJV. (14) Citation de l'Apocalypse, chapitre 7, verset 14. (15) Allusion aux excommuniés tels qu'Oliver Cowdery ou les frères Whitmer, appelés « dissidents ». D'autres partageront le même sort à Nauvoo, comme John Bennett en 1842 ou William Law en 1844 – tous deux Conseillers-Assistants de la Première Présidence (comme l'était Cowdery en 1838). (16) La double question de la lutte abolitionniste aux États-Unis et de l'attitude de Joseph Smith (et de l'Église) face à l'esclavage est trop complexe pour faire l'objet d'une note ou même d'une annexe dans cet article. On pourra se reporter à deux articles de Wikipédia, l'un sur l'anti-esclavagisme aux États-Unis [⇒], l'autre sur la situation des Noirs dans le Mormonisme [⇒]. Précisons seulement que abolitionniste était l'une des pires accusations aux yeux de la grande majorité des Missouriens (blancs, s'entend) ; on pourra aussi se reporter à la page de ce site consacrée à l'affaire d'Alton [⇒]. (17) Les événements dramatiques de l'automne 1838 (voir plus bas Quelques faits postérieurs au discours) empêcheront de mener à bien ce projet. (18) Il semble que les deux expressions le sang de l'aspersion (the blood of the sprinkling ) et Abel le juste (the righteous Abel ) soient propres à la « retraduction révélée » du livre de la Genèse par Joseph Smith (cf. chapitre 17, nouveaux versets 6 et 7). (19) Dans le Livre de Mormon, la couleur sombre de la peau est la marque de Dieu sur les mauvais (les Lamanites, ancêtres putatifs des Amérindiens) ; plus tard, un raccourci (pour le moins audacieux) entre la descendance de Caïn et celle de Canaan (le petit-fils réprouvé de Noé) fera de la mélanodermie le propre de ceux qui se sont mal comportés dans leur vie pré-terrestre. (20) Citation de l'Apocalypse, chapitre 6, verset 17. (21) Il s'agit apparemment d'une citation assez libre de la « retraduction révélée » de l'évangile selon Matthieu par Joseph Smith (cf. chapitre 1, versets 41 à 43 – correspondant au chapitre 24, versets 37 à 39 de la Vulgate ou de la KJV ). La traduction suit le texte de Sidney Rigdon. (22) Citation légèrement modifiée de la première épître aux Thessaloniciens, chapitre 5, versets 2 et 3. (23) Citation légèrement modifiée de la seconde épître à Timothée, chapitre 3, verset 13. (24) Citation de la seconde épître de Pierre, chapitre 3, verset 4. (25) Comme d'autres au XIXème siècle, les Mormons étaient persuadés que la fin du monde (représentée par le second avènement de Jésus venant régner mille ans sur Terre) était proche - d'où le nom de Saints des Derniers Jours. (26) Citation du Livre d'Isaïe, chapitre 24, versets 1 à 6. (27) Il s'agit de Malachie (Malachi, en anglais). (28) Citation du Livre de Malachie, chapitre 4, verset 1. (29) Citation du Psaume 50, versets 1 à 6. Traduction de John Nelson Darby. (30) Le texte comporte le mot afre difficile à interpréter. Peut-être une coquille pour are ? (31) Le texte anglais a distruction. (32) Ses parents ayant dû l'abandonner à la suite de l'ordre du Pharaon de mettre à mort tous les nouveaux nés masculins des Hébreux, Moïse est recueilli par l'une des filles du Pharaon (Bithiah, selon la tradition) et d'abord élevé à la cour du roi (Exode, chapitres 1 et 2). (33) Il semble que l'orateur fasse allusion à la fois à Matthieu, chapitre 5, verset 39 : Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre (ou encore Luc, chapitre 6, verset 29) et à Isaïe, chapitre 50, verset 6 : J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, Et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. (34) Ce passage a bien sûr été le plus commenté, et retenu contre les Mormons. Le texte original est : it shall be between us and them a war of extermination, for we will follow them, till the last drop of their blood is spilled. (35) L'expression se trouve deux fois dans le Livre de Mormon : dans le deuxième livre de Néphi (chapitre 28, verset 15) et dans le livre de Moroni (chapitre 8, verset 16). |
|
• Né en 1793 en Pennsylvanie, Sidney Rigdon devient membre de l'Église baptiste dans les années 1820. Après son mariage avec Phebe Brooks, il est pasteur de cette confession. Vers 1825, il rejoint les Campbellites (Mouvement de la Restauration, initié par Alexander Campbell), dont il devient un pêcheur reconnu. • En 1827, un ancien campbellite converti au Mormonisme, Parley Pratt, le rapproche de cette Église, où il est baptisé en 1830. Après une mission au Missouri en 1831 (avec Joseph Smith - cf. les lettres de 1832 [⇒]), il devient Conseiller-Assistant de la Première Présidence (le sommet de la hiérarchie, après le Prophète ). En 1833, il accompagne à nouveau Joseph Smith au Canada, lui servant de secrétaire. • En 1838, il quitte Kirtland pour Far West, où il devient l'un des principaux artisans de la lutte contre les « dissidents », mais aussi de la « guerre mormone » (voir plus haut), ce qui lui vaut d'être fait prisonnier en novembre 1838 et emprisonné à Liberty. • Par la suite, comme la grande majorité des Mormons, il s'installe dans l'Illinois, à Quincy puis Nauvoo. Membre du Conseil municipal puis affilié à la loge maçonnique de la ville. Au début de 1844, quand Joseph Smith se porte candidat à la Présidence des États-Unis, il est son colistier comme candidat à la Vice-Présidence ; la loi obligeant les deux candidats à venir de deux États différents, il quitte Nauvoo pour sa Pennsylvanie natale. • Après la mort de Joseph et Hyrum Smith (qui était l'autre Conseiller-Assistant), en juin 1844, il revient à Nauvoo et prétend à la succession du Prophète, en tant que plus ancien dans le grade le plus élevé et au nom de révélations qu'il aurait reçues ; mais il est supplanté par le Quorum des Douze et son président, Brigham Young. • Excommunié en septembre 1844, il part avec quelques fidèles fonder l'Église de Jésus-Christ des Enfants de Sion, en Pennsylvanie. Après quelque temps de relatif succès, les Rigdonites se divisent à partir de 1847. Se partageant entre les États de Pennsylvanie et de New-York, il réaffirme sa confiance dans le Livre de Mormon et sa certitude d'être le seul héritier légitime de Joseph Smith, jusqu'à sa mort en 1876. |
Le texte ci-dessous traduit certains extraits de la déposition faite en novembre 1838 par Sampson Avard devant le juge Austin King, chargé de préparer le procès de Joseph Smith et de ses cinquante-deux coïnculpés, accusés de haute trahison, meurtre, cambriolage, incendie criminel, brigandage et vol. Le texte original se trouve aux pages 6 à 9 du document n° 189 publié à Washington en février 1841 dans les archives du Sénat. On peut voir une copie de ce document à cette adresse [⇒], sur le site Joseph Smith's History Vault. On peut aussi lire la partie du texte attribuée à S. Rigdon sur WikiSource sous le titre Danite_Manifesto, sans nom d'auteur (mais le lien source renvoie au site indiqué ci-dessus). Une copie peut également en être consultée à cette adresse [⇒] dans l'ouvrage Mormonism Exposed..., de LaRoy Sunderland, aux pages 26 et 27. Étant donné la nature particulière du texte, nous regrouperons dans une Annexe (après les notes) les observations qu'il peut appeler, en limitant la présentation à Quelques éléments biographiques • D'origine anglaise (il est né à Guernesey, dans les années 1800), Sampson Avard arrive aux États-Unis vers 1830 et y exerce la médecine ; d'abord Campbellite (comme Sidney Rigdon), il est baptisé en 1835.
NB- Le découpage en paragraphes, leur numérotation et les intertitres ont été ajoutés pour plus de lisibilité. |
[…] Il y avait un autre écrit (1), rédigé en juin dernier, qui avait pour objet de se débarrasser des dissidents, et qui a eu l'effet escompté […] J'ai entendu le Prophète dire que c'était une heureuse chose que d'être débarrassés des dissidents, parce qu'ils auraient entravé l'avancée du royaume de Dieu comme elle était prévue, et que cela devait être mis en œuvre par le groupe des Danites ; qu'eux, les dissidents, étaient un grave obstacle sur la route ; et qu'à moins de les supprimer, le royaume susmentionné ne pourrait pas avancer. Ce texte contre les dissidents a été rédigé par Sidney Rigdon (2), et se présente ainsi :
FAR WEST (3), juin, 1838.
À Oliver Cowdery, David Whitmer, John Whitmer, William W. Phelps et Lyman E. Johnson (4), salut.
À l'époque où les dissidents ont fui, le Président Rigdon (16) a prêché un sermon sur « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. » – communément appelé le Sermon du sel (17), dans lequel les dissidents ont été comparés au sel qui a perdu sa saveur, et qui devraient être piétinés et chassés par les saints ; ce qui a été bien compris par les Danites comme faisant partie de ce qu'ils devaient faire.
Lorsque les hommes du général Lucas (18) ont marché sur Far West, Smith (19) m'a dit, si j'ai bien compris, qu'il avait dit à l'un des capitaines de milice de ne pas aller plus loin, parce qu'il pourrait se mettre en danger (20). Smith, après avoir érigé ses remparts (la nuit après l'arrivée du général Lucas), m'a demandé si je ne pensais pas à lui à peu près comme à un général (21), et j'ai répondu par l'affirmative. On nous a appris, tout le temps, à combattre vaillamment, et que les anges du Seigneur apparaîtraient pour nous défendre et participer à nos combats.
S'agissant de la bataille contre Bogart (22), je sais peu de choses, personnellement, comme le départ des troupes pour combattre Bogart. J'ai été appelé à aller avec la compagnie (qui était commandée par Patten (23) comme chirurgien. Il était environ minuit ; mais comme je pensais qu'un peu de sommeil me ferait plus de bien que le combat, je suis resté à la maison. Au matin de la bataille, vers six heures, j'ai été appelé par un certain M. Emmett (24), qui m'a informé que le capitaine Fearnaught (25) avait été mortellement blessé. Je suis allé voir Patten, à environ cinq kilomètres du champ de bataille, où j'ai trouvé Jos. Smith fils présent, imposant les mains sur les blessures et les bénissant pour les guérir. […]
| ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Notes ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ | |||
(1) Dans la partie de sa déposition qui précède cet extrait, Avard a détaillé le contenu de la constitution danite, qu'il présente comme approuvée par la Première Présidence (Joseph et Hyrum Smith plus Sidney Rigdon). (2) Voir sa biograhie à la suite du discours de juillet. Ironies de l'Histoire (surtout s'il est bien l'auteur de cette adresse) : en 1830, il avait été baptisé par Oliver Cowdery, qu'il avait lui-même ordonné « grand prêtre » l'année suivante. (3) Chassés de Kirtland pour les uns, d'Independence pour les autres, les Mormons s'étaient établis un peu entre les deux, à Far West, dans le comté de Caldwell (créé spécialement pour eux). (4) Les quatre premiers avaient été excommuniés en mars et avril 1838 ; Johnson avait été « mis à l'écart » (disfellowshipped ). Ils étaient restés à Far West ou dans la région, où plusieurs avaient acheté des terres. (5) Les accusations de vol mentionnées ici peuvent renvoyer à (au moins) deux affaires différentes :
(7) On n'est jamais si bien servi que par soi-même – du moins si Rigdon est bien l'auteur de ce passage (voir la conclusion de l'Annexe). (8) C-est-à-dire les Mormons. (9) Il s'agit de Joseph Smith père, né en 1771, donc âgé de soixante-sept ans quand Oliver Cowdery a exercé les fonctions de juge de paix à Kirtland. (10) Ce paragraphe [15] est un doublon (pour le fond sinon pour la forme) des paragraphes [5] et [6] ; voir l'Annexe pour le rapport entre les deux versions. (11) Autre source de désaccord : une opposition sur le gouvernement même de l'Église ; du temps où Joseph Smith était à Kirtland, les Mormons du Missouri (Indépendence puis Far West) jouissaient d'une relative autonomie, avec les frères Whitmer, William Phelps et Lyman Johnson à leur tête. Quand il s'y est installé, Joseph Smith en a pris (avec S. Rigdon) la direction, tout en se méfiant plus ou moins de ceux qu'il avait laissés dans l'Ohio. (12) sic. (14) Les biographies officielles d'Oliver Cowdery, de W. Phelps et de L. Johnson mentionnent, parmi leurs activités professionnelles lawyer. L'accusation peut paraître d'autant plus étrange qu'elle contredit les paragraphes précédents où Cowdery se voyait reprocher d'avoir utilisé toutes les ressources de la loi contre les Mormons. (15) Rappelons que le bureau de poste de Far West était dirigé par William Phelps, depuis mai 1837. (16) En tant qu'Assistant de la Première Présidence, Sidney Rigdon avait droit à ce titre. Il est vrai que, dans les quelques pages de HoC correspondant à ces événements , on croise aussi le Président John Murdock, le Président Charles C. Rich, le Président Harvey Green, le Président Joseph Fielding ainsi que les Présidents Kimball et Hyde. (17) Ici, l'attribution est certaine, le sermon ayant été prononcé par Sidney Rigdon le 17 juin. Mais le texte en est apparemment perdu, et l'on doit s'en tenir à ce qu'en rapportent Sampson Avard et John Corrill. Rigdon y reprenait un passage de l'évangile selon Matthieu (chapitre 5, verset 13), extrait du Sermon sur la Montagne. Avard cite (à deux détails près) le texte de la King James' Version ; traduction de Louis Segond. (18) Le général Samuel Lucas commandait les troupes de l'État du Missouri qui ont mis fin à la « guerre mormone » ; très hostile aux Mormons, c'est lui qui fit donner l'ordre de fusiller Joseph Smith et les autres prisonniers, le 1er novembre 1838 – ordre qu'Alexander Doniphan refusa d'exécuter. (19) Les Mormons appelaient généralement Joseph Smith le prophète, le Président, le Président Smith, Joseph, Joseph Smith jr ou, plus tard, le Général Smith (voir ci-dessous la note (21) ), mais le patronyme seul ne semble pas habituel. (20) La raison d'être de cette phrase et son rapport avec ce qui suit ne sont pas évidents ; peut-être faut-il y voir un lien avec la mort du capitaine Patten, au paragraphe suivant. (21) Quelques années plus tard, devenu Lieutenant-Général de la Légion de Nauvoo, Joseph Smith se fera appeler couramment le Général Smith par les siens comme par les non Mormons. (22) Le capitaine Samuel Bogart (autre farouche adversaire des Mormons) commandait des troupes de l'État du Missouri à la bataille de Crooked River, le 24 octobre. (23) David Patten était venu de Kirtland s'intaller à Far West en 1836 ; capitaine dans la milice locale, il a été mortellement blessé dans la bataille. C'est lui que ses hommes appelaient « Fear Not » (Sans Peur ou N'aie pas peur ), écrit Fearnaught dans l'ensemble du document. (24) Peut-être James Emmett, qui faisait partie du Haut Conseil de Far West. (25) Voir la note (23) . Difficile de dire si, pour Avard, Patten et Fearnaught ne font qu'un. |
La confiance que l'on avoir en un texte dépend de la réponse à deux questions :
a S'agissant de la deuxième question, il est évident que Sampson Avard avait tout intérêt à minimiser son propre rôle dans le groupe des Danites, donc à insister sur celui de Joseph Smith et Sidney Rigdon ; certes, il déposait sous serment, mais plusieurs ont affirmé l'avoir entendu dire qu'il n'hésiterait pas à mentir si cela pouvait lui être utile. D'ailleurs, après avoir juré de garder le silence sur la nature et les activités de l'ordre dans le serment des Danites, il a été le premier (stricto sensu ) à en livrer les « secrets » dans sa déposition. a La réponse à la première question paraît claire, puisqu'il s'agit d'un document officiel : le greffier a noté ce que disait Avard, et celui-ci a corrigé les éventuelles erreurs quand il a relu sa déposition avant de la signer. Mais qu'en a-t-il été pratiquement ? (les propos d'Avard occupent une dizaine de pages imprimées) a Une autre incertitude tient aux deux morceaux de bravoure que forment la constitution danite et cette adresse aux dissidents : Avard parle-t-il de mémoire ou bien s'appuie-t-il sur un document écrit qu'il lit ? Rien dans sa déposition ne permet de trancher. Il reste donc à analyser le texte tel qu'il se présente. Et, une fois de plus, les constatations banales laissent plus ou moins vite la place à des éléments moins logiques. Ⓐ Puisqu'il s'agit d'une adresse, le texte emploie la deuxième personne, qu'elle oppose à nous, les vrais et fidèles Mormons. Il en va ainsi dans les paragraphes [1] à [4], que l'on peut résumer en « Partez ou nous vous ferons partir. » Ⓑ La suite se présente comme un retour en arrière sur les exactions commises par les dissidents ; et la lecture en paraît logique dans les paragraphes [6] à [10] puis les paragraphes [17] à [24] consacrés à leurs projets. Ⓒ Mais deux passages font tache : Ⓐ le paragraphe [5]surprenant à double titre ; d'abord parce que la seconde personne laisse place à la troisième ; bien sûr, quand il s'agit non pas d'accusations globales (toutes vos attaques scandaleuses, votre bande de maraudeurs ) mais de faits précis, l'emploi de vous n'est pas le plus pratique mais la lettre est bien adressée À Oliver Cowdery, David Whitmer, John Whitmer, William W. Phelps et Lyman E. Johnson ; y lire Oliver Cowdery a volé les biens, les a remis à John Whitmer, et John Whitmer à William W. Phelps peut donc surprendre, d'autant plus que le paragraphe suivant reprend l'énonciation attendue : Alors que vous étiez aux mains d'un officier […] ; mais, plus étrange encore, le paragraphe radote en énonçant deux fois les mêmes faits, dans un ordre différent :
Ⓑ les paragraphes [11] à [16] reprennent des accusations figurant ailleurs ; deux exemples :
Ainsi ce Manifeste apparaît-il comme l'amalgame d'au moins deux textes différents : Si l'on en croit Leland H. Gentry (un historien mormon orthodoxe), parmi les quatre-vingt-quatre signataires de l'adresse , on trouve un bon nombre de Danites, Sampson Avard occupant la première place, mais la signature de Sidney Rigdon n'y figure pas. Il est alors possible de supposer que l'adresse elle-même est due à Sampson Avard, mais qu'il y a ensuite inclus des passages d'un texte de Sidney Rigdon pour pouvoir plus facilement lui attribuer la paternité du tout. |